Mékong Stories, de Phan Dang Di (Vietnam, 2015)
Samedi 23 avril 2016, MK2 Hautefeuille.
Ce très beau film rassure dès les premières secondes : il ne contraindra pas le spectateur à bâiller d'ennui ou à trépigner d'agacement devant les images édulcorées d'un Orient fantasmé pour nostalgiques du colonialisme. Dans une lumière grise de petit matin, on traverse Ho Chi Minh Ville en suivant le flux du Mékong, le long de ses rives bordées par un enchevêtrement de maisons de fortune montées sur pilotis, là où s'entassent les populations les plus modestes. Mékong Stories, ce sont les destins imbriqués d'un groupe d'amis - étudiant photographe, ouvrier métallo, chanteur des rues, vendeuse de bonbons, barman, danseuse de boîte de nuit... -, auxquels la société offre peu de perspectives malgré leur talent ou leur force de travail. Les corps se révèlent tous fort malmenés : jeté au bas d'un escalier ou à l'eau, dénaturé pour mieux se vendre, tabassé ou tout simplement dénutri, mais aussi jouant avec le feu dès le plus jeune âge, indifférent au danger, audacieux et superbe. Ils sont un peu à l'image du durian et du fruit du dragon, que les protagonistes dégustent à deux reprises, et dont la chair délicate se dissimule sous une écorce peu séduisante, voire malodorante. Cette nouvelle génération transgressive s'est détournée de la morale traditionnelle qui maintenait l'équilibre de la société dans ses replis familiaux. Leur horizon social bouché, ils se condamnent à toute descendance en échange de quelques euros. Encore une fois, le seul capital de ces jeunes s'avère être leur corps. Un film courageux et rare, qui offre la vision désenchantée d'une certaine fraction de la jeunesse vietnamienne actuelle, abandonnée ou incomprise par ses aînés.