Vendredi 24 juin , MK Beaubourg.
Superbe. Tourné dans les bidonvilles de Manille, voici le destin contrarié d'Insiang, une jeune fille dont la beauté n'a d'égale que sa vertu et sa bonté. Aucun misérabilisme pour dévoiler les conditions de vie des populations qui s'entassent dans des baraques de fortune, où le moindre des faits et gestes ne peut échapper à la communauté, où les jeunes hommes sont tenus de prouver toujours leur virilité alors que les jeunes filles doivent justifier jusqu'au mariage d'une pureté intacte. Les corps, pleins et charnus, ronds et souples, offrent des plans d'une profonde beauté, à la sensualité immédiate et directe.
L'introduction, une scène d'abattage et de traitement des porcs - dans une mécanique dure et crue, conduite dans le vacarme incessant de bêtes hurlantes de peur, où l'apitoiement n'a pas sa place - nous prévient du ton du film pour dépeindre les lieux de l'action. Insiang doit apprendre elle aussi à étouffer ses sentiments si elle ne veut pas devenir une paria et rester une victime à vie. Dans la rue, il lui faut affronter la concupiscence permanente des jeunes gens. Au foyer, elle doit résister à l'insensibilité et à l'indifférence de sa mère, qui y a introduit son jeune amant, un voyou brutal et arrogant qui la désire elle aussi. Les émotions et les sentiments vrais peuvent-ils trouver à s'exprimer dans une société qui n'offre guère de place aux femmes, si ce n'est celle d'un gibier consentant, que l'on peut vite répudier après de fausses promesses ? La mère d'Insiang, qui nous apparaît si parfaitement indigne avec son caractère implacable, ne lègue-t-elle pas finalement à sa fille ce qu'il lui faut de plus précieux pour assurer sa survie : la capacité à refouler ses sentiments, la dissimulation et la cruauté jusqu'à la délectation ? Un magnifique et fascinant mélodrame.