J'ai vu ce film le mardi 28 janvier 2014, au St Saint-André-des-Arts.
Ce film a été couronné par le Lion d'Or à Venise (en 1986) et illustre les vers extraits d'un poème d'Arthur Rimbaud « Ah ! que le temps vienne / Où les cœurs s'éprennent », dans la « Chanson de la plus haute tour ». C'est la seule attache littéraire car les dialogues ne sont guère écrits, Rohmer ayant demandé à ses comédiens d'improviser les scènes et les dialogues au fil des prises. Les textes ne sont donc pas ciselés comme d'habitude chez lui, mais c'est une autre saveur qui est proposée, celle de la spontanéité. Le film s’est construit au fur et à mesure du tournage. Le titre est une allusion à un phénomène optique et atmosphérique : le dernier rayon émit par le soleil couchant au bord de l'océan, qui peut prendre l'aspect d'un éclair vert par temps clair. Il permettrait, selon un groupe de personnes qui en discutent dans une scène du film, de « lire dans ses propres sentiments et dans les sentiments d’autrui» au moment où on assiste à son apparition.
Le personnage principal est campé par Marie Rivière, qui interprète Delphine, secrétaire à Paris. Elle voit son projet de vacances en Grèce tomber à l'eau lorsque l'amie avec qui elle devait partir se décommande au dernier moment. Nous la suivons de Paris à Cherbourg, puis de Paris à Biarritz dans sa recherche vaine d'une nouvelle destination, car elle ne se plait nulle part ni avec qui que ce soit. Elle vient de vivre une séparation et continue de rêver au grand amour, souffrant et se plaignant continuellement de sa solitude. Velléitaire et tourmentée, elle se comporte tout au long du film de manière à renforcer cette solitude et à s'y morfondre, s’empêtrant dans ses contradictions. Chacune de ses rencontres l’incite à une réflexion nouvelle. Chacun l’appelle en effet à vivre de façon plus simple et décontractée, pour qu'elle s’offre aux opportunités de la vie dans ce qu’elles peuvent proposer de savoureux. Il y a quelques scènes de drague hilarantes, lorsque les comédiens improvisent des jeux de séduction joyeux et frais.
Mais Delphine reste une romantique convaincue qui déclare préférer l’authenticité de la solitude dans laquelle la place son attente d’un amour vrai à la tristesse encore plus grande qui pourrait la submerger si elle se laissait aller à une rencontre d’une nuit.
Elle apprend toutefois à s’abandonner au hasard mais à son rythme, à écouter son intuition et à détecter les signaux qui jalonnent son parcours : des cartes à jouer, une enseigne d’un magasin… Pour elle, tous ces signes signifient qu’elle est sur la bonne voie et rencontrera le vrai et authentique amour. Après tout, le plus important dans la vie n’est-il pas de savoir rester ferme face aux injonctions de son entourage et de rester fidèle à soi et à ses intuitions, même si celles-ci la placent en total décalage par rapport à ce que lui souffle la société ? Il s’agit d’un apprentissage délicat qui la conduit à évoluer et à s’ouvrir tout en se respectant. Eric Rohmer nous décrit les hésitations puis les certitudes de son héroïne dans des teintes fraîches et précises, pour composer avec précision le paysage sentimental d’une jeune femme encore à la découverte d’elle-même et de sa place dans les jeux de la vie et de la séduction.